Je continue notre "saga" de l'été sur les débuts de certains peintres, avec l'autre "géant" du XX° siècle, après Picasso : Henri Matisse ...
Rien chez lui ne l'orientait vers la peinture, ni son éducation, ni ses racines, ni une précocité particulière ...
Fils d'un commerçant prospère, "droguiste , marchand de grains " installé à Bohain- en-Vermandois ( région du Nord), le petit Henri naît au Cateau dans la maison de ses grands-parents.
Sans être fortuné, le père de Matisse avait les moyens d'envisager une carrière libérale pour son fils à la fin de ses études secondaires.
Henri, à 20 ans , en 1889, avec sa mère Anna
De son côté, le jeune Henri ne sait pas trop ce qu'il veut: il n'a pas d'aptitude ni d'attirance particulières ; il n'a pas trouvé sa véritable voie, et ceci se traduit par une sorte d'ennui face à la vie.
Rien n'apparaît alors de l'homme qu'il deviendra plus tard , ... comme le disait Gustave Moreau : " ... né pour simplifier la peinture...", et rien ne montre qu'il sera l'un des acteurs qui changeront totalement l'art occidental.
En 1887, Emile, son père, l'envoie étudier le droit à Paris. Il réussit brillamment ses examens.
En 1888, à une époque où Paris est un carrefour en pleine effervescence artistique : Seurat met au point sa technique de peinture scientifique, le pointillisme, Van Gogh est en Arles, Gauguin revient d'un voyage à la Martinique, Cézanne et Renoir essaient de trouver " une théorie " à l'impressionnisme... bref à une époque donc, où se décide l'Art du XX°, Matisse ne s'intéresse aucunement à la peinture et contrairement à nombre de jeunes qui rêveraient d'être étudiant dans le Paris de cette époque, il retourne dans le Nord, ses études terminées, et se fait engager comme clerc chez un avoué.
Ses fonctions sans aucune responsabilité sont de pure routine : il copie alors des pages et des pages qui rejoignent des dossiers ... que personne ne lira jamais... L'essentiel étant " d'employer du papier timbré en quantité proportionnée à l'importance du procès " . Il se met alors à remplir ces pages en recopiant des fables de la Fontaine, et à l'épaisseur de leurs dossiers, les clients sont favorablement impressionnés.
Ceci aurait pu continuer ainsi durant toute sa vie, si ce n'est qu'en 1890, il doit être opéré de l'appendicite.
Pour le distraire durant sa longue convalescence, sa mère lui apporte une boite de peinture et un petit traité à l'usage des amateurs.
L'effet de ce cadeau est extraordinaire... la monotonie du quotidien pour Henri fait place à une sensation nouvelle et transforme sa vie. Pour la première fois, il se sent, dit-il " tout à fait libre, seul, tranquille".
Quand il parle de ce moment : " C'est comme si j'avais été appelé... " écrit-il 60 ans plus tard, menant dès ce moment une vie " pendant laquelle j'ai été conduit mais que je n'ai pas conduite ".
Sur le moment, cette "révélation" l'entraîne à exécuter ses séries de chromos destinés aux peintres débutants.
Puis plus tard, il se décidera à étudier la peinture...
Henri Matisse ( 1869 -1954)